vendredi 19 février 2016

Avé César !




Avec « Avé César ! », les frères Coen rendent un hommage goguenard autant qu’ils évoquent une précise satire. On devine, parfois, les séquences qu’ils ont eu le plus de plaisir à tourner, et des clins d’œil au vieil Hollywood, tel que « Ben-Hur » ou « Chantons sous la pluie », le film n’en manque pas. Difficile également de snober son plaisir en voyant cette usine à rêves de l’intérieur, ces décors superbement reconstitués pour la rétine et ces costumes d’antan. Mais drôle de film qu’ « Avé César !». Relançant notamment la facette comique des cinéastes de « Miller’s Crossing », le film paraît également comme une étape peu anodine dans leurs filmographies respectives. Il s’agit d’un film dédié à la spiritualité dans l’enceinte même du temple du faux. À ce titre, certaines séquences sont assez symboliques, comme celle où Josh Brolin — comme souvent impérial¬ — tente de convaincre un prêtre, un pasteur, un rabbin et un orthodoxe pour obtenir le feu vert pour une futur adaptation du Nouveau Testament. Dans tout ce méandre, George Clooney incarne à la perfection une star à la dérive kidnappée par des scénaristes communistes. Au final, ce n’est que le maccarthysme qui sert de toile de fond aux Coen bro. Ils font l’éloge d’un temps où les films appartenaient encore à la légende, tout en insistant à nous méfier du cinéma en tant qu’outil de propagande. Et ce n’est que dans le dernier tiers du film qu’on se rend compte que la seule quête existentielle valable, c’est de faire des films.

Le problème qu’ « Avé César ! » soulève, c’est que par rapport au reste de la filmographie de ses réalisateurs, il ressemble bien plus à une saynète qu’à un film charismatique digne de « Fargo ». D’ailleurs, le film se construit sur une véritable série de saynètes, qui si elles ne sont pas énervantes, peuvent ouvrir quelques portes à l’analyse et, tout au plus, à la sympathie.  C’est dommage, car pour le coup, on aurait attendu une suite tardive mais honnête à « Barton Fink ». Les antiquités sont toutes placées dans le même rayon, qu’il s’agisse du communisme, de l’homosexualité ou encore de la névrose. Et pourtant, le film, qui avait toutes les cartes en main, se complait dans une impertinence quasiment gênante. La mélancolie est très peu présente, mais l’ironie façon Canal + va jusqu’à faire son apparition (la séquence du sous-marin). On apprend cependant que pour que la machine à rêves garde sa splendeur, il fallait qu’un homme insomniaque dissimule une grossesse, cache des bouteilles d’alcool et fasse passer des centaines de milliers de dollars cash en mettant en danger la vie d’un acteur. Quelque part, ce personnage, campé par l’habitué Josh Brolin, est sans nul doute le plus touchant du film. Quel personnage !

Les Coen essayent également de créer un parallèle entre l’absurde anticommunisme régnant dans les studios et l’histoire du Nouveau Testament. C’est assez vain, et finalement, « Avé César ! », en tentant de s’approprier une certaine richesse, ne mène pas à grand chose, et laisse les pistes s’égarer. On pourrait notamment prendre l’exemple d’une scène : deux personnages assistent à la projection d’un western où un vieux bougre teigneux pense attraper la lune dans le reflet de l’eau, et ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas à la tenir. D’un seul coup, la salle explose de rire, sauf l’un des acteurs du film alors présent. Pourquoi ces gens rient-ils ? À cause de la naïveté du personnage, de sa manière de croire en l’image, alors qu’au final, l’image n’est que le plus vrai des mensonges. Le film vient alors d’ouvrir une porte, mais n’y rentre pas. On a également droit à de nombreux échos, comme une sirène évoquant un sous-marin soviétique ou un rapport étroit avec la croyance que le film ne va pas fouiller en profondeur. Il préfère se montrer comme un mille-feuille affichant pleinement ses limites. Mais ici, pas de métaphysique, ni de mélancolie, comme l’on laissé espérer les auteurs… Juste des saynètes…

En bref, chers frères Coen, ceux qui, comme moi, sont morts face à autant d'ennui, vous saluent.


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